‘obésité est une maladie multifactorielle, dans laquelle l’excès de graisse corporelle accumulée entraîne des effets négatifs sur la santé. Nous avons abordé en 10 newsletters, les raisons de l’obésité pandémique.

 Le constat est sans appel : les raisons qui expliquent notre tendance à grossir sont complexes. Et cela n’est rien face aux obstacles naturels que nos organismes a mis en place au cours de notre évolution, pour nous empêcher de maigrir.

 Maigrir ! Cela fait plus de 50 ans que les médecins et autres soignants exercent leur art en vain. Nombreux ont renoncer à cet « Eldorado », considéré de plus en plus comme inaccessible, pour se contenter « d’équilibrer » les repas et le poids des patients ou de choisir des voies thérapeutiques simplistes comme la chirurgie bariatrique.

  D’autres proposent des alternatives quand les voies conventionnelles n’arrivent nulle part. C’est le devoir de tout soignant.

 Maigrir par l’alimentation : un algorithme

 Avant cela, il est important de comprendre que malgré nos croyances de libre arbitre, nos choix alimentaires nous sont dictés par des règles externes (sociales, culturelles, familiales, économiques, géographiques, publicitaires…), mais surtout par des règles intrinsèques à notre condition d’humain, de mammifère, d’animal, d’organisme vivant.

  Un livre récent résume ces conditions particulières de dépendance à des algorithmes naturels qui nous ont probablement sauvés au cours de notre histoire et de notre évolution ; curieusement ces mêmes processus salvateurs pourraient être actuellement dépassé et partiellement responsable du fléau actuel, que représente l’obésité mondiale.

 Il faut lire ce livre passionnant qui débute avec l’étude de l’alimentation des sauterelles…

De quoi nous nourrissons-nous?

Avant tout, posons les bonnes questions ! De quoi nous nourrissons-nous ?

 La réponse mentionne les 3 macronutriments et quelques micronutriments indispensables. Cette réponse est illustrée par le tableau ci-dessous.

 Tous les animaux, même les sauterelles, partagent ce que fournit la nature, pour aboutir à puiser assez d’énergie pour survivre. Nous reconnaissons dans ce tableau la place importante des lipides, des glucides et des protides (les sucres, graisses et protéines) dans l’objectif de fournir de l’énergie. En fait, ces trois nutriments se combinent et s’équilibrent naturellement quel que soit les apports alimentaires.

 Intéressons nous aux sauterelles ?

 Les chercheurs David Raubenheimer et Stephen J. Simpson aidés de nombreux étudiants et collègues ont étudiés patiemment l’alimentation des sauterelles en laboratoire et ont découvert une loi quasi universelle pour toutes les sauterelles. Il semblait que tant que ces animaux n’avaient pas assimilé un certain pourcentage de protéines alimentaires, les sauterelles continuaient à manger. Ces résultats étaient significatifs en laboratoire ; mais quels étaient les comportements alimentaires des mêmes sauterelles dans leur milieu naturel ?

 Qu’à cela se tienne, ces mêmes chercheurs ont passés plusieurs mois à poursuivre des sauterelles dans la campagne et ont noté l’alimentation d’un nombre suffisant d’animaux pour tirer des conclusions. Or les conclusions étaient les mêmes !

 Un appétit génétiquement déterminé ?

Comme tous les animaux, la sauterelle est dotée d’un appétit. Cet appétit est génétiquement déterminé et il existe une concurrence naturelle entre l’appétit pour le sucre, le gras ou les protéines. L’intérêt de ces travaux est d’avoir défini ce que les auteurs ont appelé « le levier protéique ».

La ténacité de ces chercheurs a permis d’étudier de nombreux animaux aussi différents que les mouches, les souris, les babouins et finalement l’homme.

 Ce qui est troublant c’est que pour toutes les espèces les conclusions étaient les mêmes !

 « L’évolution a doté les animaux d’appétits distincts pour les protéines, les lipides et les glucides. Dans cette concurrence, l’appétit pour les protéines est toujours gagnant et détermine la fin du processus alimentaire »

 Et cela vaut aussi pour l’humain…

 Les nombreuses études suggèrent que nos ancêtres du paléolithique obtenaient 70% de leurs calories sous forme de lipides (surtout) et de glucides, et donc environ 30% sous forme de protéines.

 A cette époque les humains variaient la quantité et la composition de leurs aliments en fonction des saisons passant de l’abondance pendant les belles périodes d’été à des états de famine souvent systématiques l’hiver. Cela confirme une faculté importante qu’on nomme « flexibilité métabolique ». Mais toujours l’appétence pour les protéines (de l’ordre de 15%) a dominé les besoins et les choix de recherches alimentaires.

 Ces observations et ces conclusions ont une importance majeure ; Ils permettent de comprendre les nombreux échecs des stratégies alimentaires déjà proposées dans le contrôle de l’obésité.

 Ce que veulent dire ces chercheurs, c’est que tant qu’un animal n’a pas avalé le pourcentage de protides qui correspond à son espèce (entre 15 et 20 % pour l’humain en fonction de l’âge), il continue à manger…

 Du criquet à l’humain, nous resterons « gloutons » tant que le pourcentage minimal de protéines ne sera pas atteint. D’après ces résultats, une alimentation riche en sucre et pauvre en protéines nous obligerait à manger plus afin d’atteindre le pourcentage attendu de protéines assimilées. C’est exactement le constat de ce qui se passe actuellement dans le monde…

 Il est facile de conclure que Raubenheimer et Simpson ont découvert une nouvelle raison à la pandémie d’obésité actuelle. Et pas la moindre ! Fermez les yeux et souvenez-vous des derniers repas pris pendant les dernières 24h00. Entre les tartines de pain, beurre, confiture du petit-déjeuner, le sandwich salade du midi et le plat cuisiné du soir (pizza ou pâtes), tentez d’évaluer le taux de protéines réellement avalées. Il est probablement trop bas et explique vraisemblablement en partie la poursuite d’une alimentation débridée que vous n’avez pas pu contrôler dans la soirée…

 Pas d’amalgame avec les régimes riches en protéines !

 La bataille entre le gras et le sucré ne faisait que commencer. Pendant des années les protides se sont situés dans l’angle mort de la nutrition en matière de métabolisme. A tort assurément !

 Il faudra en tenir compte dorénavant sans amalgamer les genres : il ne s’agit pas de (re) proposer des régimes « riches ou exclusifs en protéines ». Il est ici question de proportions…!

 Docteur Philippe Guérin

 Pourquoi les animaux ne font pas de régime. David Raubenheimer-Stephen J. Simpson. Ed. Les arènes 2021